Communautés économiques régionales : Un examen approfondi de l’ouverture sur les visas

L’Union africaine identifie huit communautés économiques régionales (CER) en Afrique. Ces communautés poursuivent l’intégration régionale dans le but de développer les marchés et le commerce transfrontaliers, de libéraliser la circulation des personnes et d’améliorer la coopération en matière de développement des infrastructures, de gestion des douanes et des frontières, de réponse aux catastrophes naturelles et aux urgences sanitaires, de politiques, etc. L’intégration régionale rend les régions plus stables, plus pacifiques et plus sûres en atténuant les risques et en favorisant la cohésion socioculturelle.

«En jetant un coup d’œil à quelques-unes des régions qui ont le niveau le plus élevé en matière de commerce interrégional, on constate que ce sont les régions qui affichent une grande mobilité interrégionale ».

Maureen Achieng, chef de mission et représentante de l’Organisation internationale pour les migrations auprès de l’UA, de la CEA et de l’IGAD en Éthiopie

Cette année, une découverte frappante concernant les communautés économiques régionales d’Afrique est le rebond enregistré par la plupart d’entre elles après la pandémie ; cela s’explique par le fait qu’elles ont souvent inversé complètement les récentes restrictions qui avaient affecté leur ouverture sur les visas. Cependant, les changements récents dans les notes ne peuvent pas toujours être attribués uniquement à la pandémie. 

  • La CAE, par exemple, avait l’une des plus hautes notes agrégées en matière d’ouverture sur les visas en 2017, mais celle-ci a fortement baissé sur la période 2019-2021, principalement en raison des changements dans la configuration des États membres et des changements récents dans les notes des membres individuels qui s’annulent mutuellement en grande partie (les moyennes des CER sont souvent très impactées par un changement de politique de visa d’un ou deux pays seulement, ou par un nouveau pays qui rejoint la CER). 
  • La note de l’IGAD a également fortement baissé entre 2019 et 2021, mais a augmenté de manière significative en 2022 après les progrès enregistrés par ses États membres dans l’adoption des politiques migratoires régionales (les membres
    de l’IGAD finalisent actuellement des protocoles sur la libre circulation des personnes). 
  • Le COMESA s’est redressé et a en fait dépassé son niveau d’avant la pandémie. 
  • L’ouverture sur les visas dans la SADC semble avoir été peu affectée par la pandémie et maintient, depuis 2018, sa légère trajectoire ascendante. 
  • La CEN-SAD a également amélioré sa note d’ouverture des régimes de visa pour la porter légèrement au-dessus de son niveau prépandémique. Ces progrès semblent découler en partie du chevauchement avec la CEDEAO et des progrès significatifs de cette dernière en matière de libéralisation de la circulation transfrontalière des personnes. 
  • La CEDEAO est la CER avec la plus haute note moyenne d’ouverture en matière de visas sur le continent, poursuivant ainsi sa trajectoire ascendante. C’est aussi la CER qui affiche de loin le plus haut niveau d’ouverture intrarégionale en matière de visas, avec 97 % des voyages effectués par les ressortissants des États membres de la CEDEAO sans visa, sur une base réciproque. Ce chiffre dépasse de loin le niveau d’exemption de visa de toutes les autres CER pour les ressortissants d’une communauté donnée. Les progrès de la CEDEAO à cet égard ne datent pas d’hier ; en effet elle a adopté son Protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et le droit d’établissement en 1979
  • L’UMA se classe actuellement à l’avant-dernier rang, légèrement devant la CEEAC. La note d’ouverture aux visas de l’UMA a peu évolué ces dernières années.
  • Bien que la CEEAC soit la moins bien classée parmi les CER, elle suit une trajectoire ascendante depuis 2018. 

En moyenne, l’ouverture des régimes de visa dans les CER d’Afrique a sensiblement progressé entre 2021 et 2022, six CER sur huit ayant amélioré leur note moyenne. Cette évolution se reflète dans les conclusions de l’IOVA, 2022 : dix pays ont amélioré leur note entre 2021 et 2022, 40 ont maintenu leur note et seulement quatre pays ont vu la leur baisser. En outre, dans plusieurs pays, la pandémie a déclenché les progrès attendus de longue date en matière de liberté de circulation. À titre d’exemple, certains pays ont simplifié les procédures de visa et d’autres ont opté pour le visa électronique.

En résumé, la note moyenne de toutes les régions combinées est plus faible en 2022 qu’en 2019, année prépandémique, ou qu'en 2020, année où la COVID-19 a atteint l’Afrique. Cependant, cinq des huit régions obtiennent tout de même une note plus élevée en 2022 qu’en 2019. Il s’agit d’une performance appréciable en gardant à l’esprit les effets défavorables de la pandémie.

« La libre circulation des personnes est un pilier essentiel du commerce régional et de l’intégration économique, car elle facilite le commerce des biens et des services et l’industrialisation, contribuant ainsi au développement socio-économique et à la réduction de la pauvreté. Les commerçants et les prestataires de services peuvent livrer leurs produits sur le terrain et les clients peuvent rendre visite à leurs fournisseurs à l’étranger. » 

Évaluation de l’intégration régionale en Afrique V, Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (2012)

Ouverture des régimes de visa dans les communautés économiques régionales d’Afrique : quelle est la situation de chaque communauté ?

L’ouverture sur les visas est une composante importante des objectifs des communautés économiques régionales en matière d’intégration régionale. Bon nombre des objectifs et avantages de l’intégration régionale ne peuvent se concrétiser que lorsque les personnes peuvent se déplacer à travers les frontières sans difficulté et à moindre coût. La circulation des personnes est non seulement étroitement liée à l’intégration sociale, mais elle est également essentielle à la fourniture de services transfrontaliers et au commerce régional de marchandises, qui sont tous deux des éléments importants de l’intégration économique régionale et de l’augmentation des revenus des citoyens africains. 

Les pages suivantes de ce rapport présentent les notes IOVA des communautés économiques régionales, calculées sur la base des notes individuelles des États membres, et analysent l’ouverture des régimes de visa région par région. Les résultats révèlent la mesure dans laquelle chaque communauté régionale, vue de manière comparative, encourage la libre circulation des personnes. Les résultats sont contextualisés à la lumière des classements individuels des pays dans l’indice panafricain.

Un aspect intéressant de l’ouverture sur les visas au sein des communautés économiques régionales est la réciprocité régionale. La réciprocité est une mesure des régimes de visa en place entre les États membres d’une communauté économique régionale donnée. Elle fait référence à l’ouverture sur les visas de chaque État membre par rapport à tous les autres États membres de la même communauté. 

Certaines communautés économiques régionales pratiquent davantage la réciprocité en matière de visas que d’autres, c’est-à-dire qu’elles s’accordent mutuellement des conditions de voyage plus favorables qu’aux pays non membres – par exemple en autorisant les citoyens de l’autre pays à se rendre sur leur territoire sans visa, ou en leur permettant d’obtenir un visa à l’arrivée au lieu de les obliger à obtenir un visa avant leur départ. Dans d’autres communautés économiques régionales, en revanche, il n’y a pas ou presque pas de mesures de réciprocité régionales en place. Ainsi, les États membres se classent parfois beaucoup plus haut sur l’échelle de l’IOVA (l’échelle continentale) que ne le suggèrent leurs notes de réciprocité régionale. Cela peut révéler qu'ils sont plus accueillants envers les citoyens de pays extérieurs à leur bloc régional qu’envers les pays qui en font partie.