Tendances régionales en matière d'ouverture des visas

 

Les Communautés économiques régionales: Catalyseurs avérés de la liberté de circulation

L’UA reconnaît huit CER et les considère comme les éléments constitutifs de l’initiative d’intégration continentale plus large. Cette approche garantit que ces CER restent les moteurs de l’approfondissement de l’intégration et que les progrès réalisés sont portés au niveau continental. Les CER reconnues par l’UA sont les suivantes : 

  • Union du Maghreb arabe (UMA)
  • Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD)
  • Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA)
  • Communauté d’Afrique de l’Est (CAE)
  • Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)
  • Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)
  • Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD)
  • Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) 

L’intégration au sein des CER se fait à différents niveaux et à différents rythmes. Elle peut impliquer la libéralisation des flux commerciaux en réduisant ou en supprimant les droits de douane sur le commerce intrarégional, la collaboration sur des mesures de facilitation du commerce telles que l’amélioration des procédures et des installations frontalières, le développement des infrastructures et l’assouplissement de la circulation des personnes à travers leurs frontières nationales. L’intégration découle de la coopération, en plus de l’alimenter, dans divers domaines, qu’il s’agisse de la paix et de la sécurité, des initiatives et des réponses en matière de santé publique, de la gestion durable des ressources (par exemple entre les économies côtières) ou des réponses aux catastrophes naturelles.

Plusieurs CER ont établi des protocoles régionaux sur la circulation intrarégionale des personnes. Ces protocoles en sont souvent à différents stades de mise en œuvre, certains ayant été adoptés, mais non ratifiés. La cohésion des CER peut servir de catalyseur aux initiatives et aux politiques relatives aux déplacements intrarégionaux de personnes. Lorsque ces initiatives sont suivies d’un niveau élevé d’adoption, elles peuvent parfois servir de tremplin aux pays pour étendre des libertés similaires aux ressortissants de pays extérieurs à la région. En général, les CER qui maintiennent des niveaux plus élevés d’ouverture régionale obtiennent également de meilleurs résultats, en moyenne, au niveau continental. Au sein des CER, les initiatives bilatérales compensent parfois l’absence d’engagements régionaux ou de progrès dans la mise en œuvre des protocoles. Certaines de ces initiatives pourraient être plus progressistes, comme dans le cas de la Namibie et du Botswana, qui ont signé un accord en 2023 pour simplifier leurs contrôles frontaliers mutuels en permettant aux ressortissants de l’autre pays de traverser leur frontière commune en utilisant uniquement leur carte d’identité nationale. Des exemples similaires existent ailleurs, par exemple au sein de la CAE. 

Suivi des notes moyennes des communautés économiques régionales

Outre les classements individuels des pays, le présent rapport mesure également l’ouverture moyenne des régimes de visa des CER, obtenue en combinant la note individuelle de chaque État membre de cette CER, divisée par le nombre de membres. Cette mesure offre un aperçu de l’attitude des régions à l’égard de l’assouplissement de la circulation des personnes en général et, à cet égard, établit les tendances en matière d’ouverture des régimes de visa sur une certaine période. L’ouverture moyenne des régimes de visa est souvent en corrélation avec les notes régionales de réciprocité en matière d’exemption de visa, ce qui donne une idée non seulement des progrès réalisés en matière de libre circulation au sein d’une région, mais aussi d’une éventuelle concordance des politiques à cet égard.

En 2024, quatre des huit CER ont obtenu des notes IOVA moyennes plus élevées qu’en 2023, les quatre autres ayant obtenu des notes plus faibles pour des raisons diverses. La CAE, la CEEAC, la SADC et l’UMA ont toutes amélioré leurs moyennes régionales précédentes. La CEN-SAD, la CEDEAO, l’IGAD et le COMESA ont enregistré une note moyenne légèrement inférieure à celle de 2023. Cinq des huit CER ont également des notes plus élevées que l’année précédant la pandémie, 2019, ce qui reflète des progrès soutenus vers une plus grande ouverture des régimes de visa et, par conséquent, une plus grande facilité de circulation. Alors que la CAE est l’une des trois CER dont la note moyenne dans le rapport de cette année est inférieure à celle de 2019, il est important de tenir compte du fait que les changements dans la composition du groupe – avec l’adhésion de nouveaux membres (la République démocratique du Congo [RDC] et la Somalie au cours des deux dernières années) – compliquent les comparaisons directes au fil du temps.

La CEDEAO obtient la note moyenne la plus élevée parmi les huit CER, malgré qu’elle soit légèrement inférieure à celle de 2023. La CER a adopté un protocole relatif à la libre circulation des personnes, à la résidence et à l’établissement en 1979, en vertu duquel les États membres accordent une exemption de visa à leurs ressortissants respectifs, ce qui explique également la note régionale presque parfaite en matière de réciprocité, comme indiqué dans la section suivante. L’expérience de cette politique régionale d’exemption de visa peut également avoir contribué à l’ouverture plus large des États membres en matière de visas : sept de ses membres offrent un accès sans visa à au moins 20 autres pays africains, dépassant ainsi le nombre de membres de la CER. Deux membres de la CER – le Bénin et la Gambie - restent en tête de l’indice. Mais des défis émergents : l’annonce par les dirigeants du Burkina Faso, du Mali et du Niger, en janvier 2024, de l’intention de leurs États de se retirer de la CEDEAO affecte les perspectives de la CER dans les années à venir, sapant les réalisations significatives de la région en matière d’intégration régionale, et supprimant le statut de libre-échange des trois pays enclavés, y compris leur accès préférentiel aux ports de la région. Il ne fait aucun doute que la libre circulation des personnes dans la région serait gravement affectée par cette annonce.

La SADC occupe la deuxième place pour ce qui est de l’ouverture moyenne des régimes de visa. Sa note a connu une trajectoire ascendante ces dernières années. Cette évolution est due en grande partie à l’Angola qui, à la fin de l’année 2023, a presque doublé le nombre de pays dont les ressortissants peuvent désormais bénéficier d’un accès sans visa, le faisant passer de 10 à 19. Parmi les autres changements, on peut citer l’Afrique du Sud et le Malawi qui offrent un accès sans visa aux ressortissants du Ghana, le Mozambique qui accorde au Sénégal un statut sans visa, ainsi que certains changements dans les régimes de visa de la Namibie et de la Tanzanie. La Namibie a annoncé qu’elle exigerait à l’avenir des visas des ressortissants des pays qui n’accordent pas un accès réciproque sans visa à ses ressortissants, et ce, à compter d’avril 2025. Toutefois, à ce stade, aucun État membre de l’UA ne devrait être affecté par ce changement.

La note de la région de la CEN-SAD a légèrement diminué par rapport à l’année dernière, où elle occupait la deuxième place conjointement avec la SADC. Le traité instituant la CEN-SAD fait de la libre circulation des personnes un objectif essentiel, même s’il n’a pas été mis en œuvre de manière uniforme. Cependant, avec le large chevauchement entre la CEN-SAD et la CEDEAO, plusieurs de ses membres ont abandonné les restrictions à la circulation des personnes dans la région6. La note moyenne régionale de la CEN-SAD a été affectée par les restrictions de visa appliquées par le Burkina Faso à 11 pays, qui n’ont plus droit au visa à l’arrivée. La République centrafricaine, quant à elle, a mis en place un accès sans visa pour les ressortissants de quatre pays voisins. Le Tchad et les Comores ont tous deux modifié certains aspects de leur régime de visa, avec un léger durcissement de la part des Comores et un léger assouplissement de la part du Tchad (en direction du Bénin). Le Togo a abandonné sa politique de délivrance de visa à l’arrivée pour exiger un visa avant l’arrivée, y compris par le biais de son portail de visa électronique. Il s’agit d’un retour en arrière qui affecte 37 pays.

La CAE a obtenu une note légèrement plus élevée en 2024, en raison d’une combinaison de facteurs. D’une part, l’Ouganda et la Tanzanie ont facilité l’accès des ressortissants de la RDC et de l’Éthiopie respectivement à leur pays. La Somalie, un pays classé parmi les 20 premiers pays au titre de l’IOVA, est récemment devenue membre à part entière de la CAE, la RDC ayant rejoint la CER en 2022. Le Kenya exige désormais une AVE avant tout voyage et n’en exempte que les ressortissants des pays membres de la CAE (ce privilège s’étend au Burundi, à la RDC, au Rwanda, au Soudan du Sud, à la Tanzanie et à l’Ouganda, tandis qu’au moment de la rédaction du présent rapport, la Somalie ne figurait pas sur la liste des pays dont les ressortissants en sont exemptés). 

Le COMESA occupe la cinquième place parmi les CER, soit un peu moins qu’en 2023, où il se classait quatrième. Plusieurs membres du COMESA ont modifié leur politique en matière de visas : l’Éthiopie a renforcé ses exigences en matière de visa pour les ressortissants de l’Égypte, de l’Érythrée et du Soudan, passant d’un visa à l’arrivée à un visa obligatoire avant le voyage, tout en supprimant les visas pour les ressortissants de l’Afrique du Sud et du Maroc. L’Ouganda a supprimé l’obligation de visa pour les ressortissants de la RDC et l’Érythrée a fait de même pour les ressortissants du Kenya. Le fait que le Kenya exige une AVE avant le voyage pour la plupart des voyageurs en provenance d’autres pays africains a fait baisser la note, malgré les exemptions accordées aux États membres de la CAE.

L’IGAD obtient une note légèrement inférieure en 2024 après une augmentation significative en 2023. Cependant, elle obtient toujours des résultats inférieurs à ceux d’avant la pandémie en 2019. Globalement, dans quatre scénarios intrarégionaux, il y a eu un durcissement de la politique des visas (du visa à l’arrivée au visa requis avant le voyage), tandis que dans quatre autres scénarios, l’obligation d’obtenir un visa a été supprimée. Parmi les huit pays membres de l’IGAD, quatre, soit la moitié, sont également membres de la CAE. Plusieurs de ses pays membres se classent parmi les derniers au titre de l’indice, avec quelques changements de politique de visa notés au Kenya, en Érythrée et en Éthiopie.   

La CEEAC a enregistré la plus forte augmentation nominale d’une année sur l’autre de sa note d’ouverture régionale des régimes de visa parmi toutes les CER. La CEEAC comprend plusieurs États d’Afrique centrale, dont la majorité se classe dans le tiers inférieur de l’indice. L’amélioration significative de la moyenne régionale est principalement due à la suppression par l’Angola de l’obligation de visa pour les ressortissants de neuf pays, et à la suppression par la République centrafricaine de l’obligation de visa avant le voyage pour les ressortissants du Bénin, du Burkina Faso, du Niger et du Burundi. Le Tchad accorde désormais un accès sans visa aux ressortissants du Bénin, tandis que le Cameroun exige un visa pour les ressortissants du Mali. Les pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) au sein de la CEEAC offrent généralement un accès sans visa à leurs ressortissants respectifs. Ces derniers développements ont permis à la CEEAC d’améliorer son classement, après avoir enregistré la note moyenne régionale la plus faible en 2023.

L’UMA est actuellement la CER la moins bien classée en termes de note moyenne et se situe légèrement en dessous de la CEEAC. Sa note a toutefois connu une légère amélioration en 2024 par rapport à 2023 en raison de plusieurs changements de la politique en matière de visas parmi ses cinq pays membres d’Afrique du Nord. La Libye a supprimé l’obligation de visa pour les ressortissants algériens, tandis que la Tunisie a fait de même pour le Bénin. La Mauritanie a durci sa politique à l’égard du Burundi, exigeant désormais aux ressortissants burundais d’avoir un visa à l’arrivée, et le Maroc exige la même chose des ressortissants de la Côte d’Ivoire, tout en supprimant les visas pour les ressortissants du Cabo Verde. Au sein de l’UMA, l’ouverture des régimes de visa de la Mauritanie se situe bien au-dessus de la moyenne régionale, ce qui la place parmi les 10 meilleures au titre de l’indice global, la Tunisie se situe au milieu de l’indice, tandis que le Maroc, l’Algérie et la Libye se classent dans le dernier quart de l’indice.


6 UNECA (archive)